Article paru dans " l' express de Madagascar " du 21 aout 2007
Le plus vieux métier du monde
Par NASOLO-VALIAVO Andriamihaja
Une annonce est passée inaperçue: "Aina initiative sur la lutte contre le trafic de personnes à Madagascar". Financé par le gouvernement américain, le projet a identifié "deux zones à hauts risques", Nosy-Be et Toamasina.
Le trafic dont il s’agit s’apparente moins à la traite des esclaves aux XVIII-XIXe siècles qu’à la prostitution institutionnalisée. Caractéristique d’une pauvreté structurelle grave et de la défaillance de l’Etat-providence. Voilà au moins un problème dont la gestion ne sera pas privatisée, faute de candidat repreneur, et que la puissance publique devra se coltiner avec ses dommages collatéraux sur la santé publique, la sécurité publique, les bonnes mœurs.
On peut d’ailleurs s’offusquer que le Département d’Etat des Etats-Unis attribue ses propres indices de risques et sans doute eût-il été de bon ton que le gouvernement malgache se fende d’une protestation. Le droit d’ingérence commence souvent par l’humanitaire jusqu’au jour où l’on s’aperçoit qu’il ne reste plus grand-chose de la "souveraineté nationale". C’est à dessein que j’ai mis entre guillemets cette expression trop souvent grandiloquente pour des Etats qui n’ont même pas les moyens d’assurer convenablement la défense de leurs frontières contre une armada de navires thoniers. D’ailleurs, "souveraineté nationale" est un trop grand mot pour une affaire de cul…
Derrière le Nosy-Be qu’on vend à la Une des brochures touristiques, existe une autre facette indicible et impossible à avouer à Milan ou à aucune autre des villes avec lesquelles une desserte directe est désormais assurée. La rencontre du pouvoir d’achat européen et de l’extrême misère malgache a inéluctablement abouti à l’institutionnalisation de la prostitution. On peut déjà douter de l’efficacité des affiches "Halte au tourisme sexuel" apposées dans les halls et toilettes des hôtels : elles sensibilisent surtout la demande potentielle tandis que l’offre s’agglutine déjà à la porte du restaurant. On reste également sceptique quant à la définition de certains concepts comme le "détournement de mineures" quand, à peine pubères, elles sont manifestement consentantes.
Madagascar est une île. Le commerce du charme a toujours existé dans les multiples ports et mouillages où accostèrent les bâtiments pirates, les navires au long cours, les prestigieuses frégates en radoub, les bateaux-cliniques de telle opération humanitaire ou de telle action philanthropique de chirurgie réparatrice. Ce qui choque aujourd’hui, c’est l’ampleur du phénomène et sa dimension quasiment industrielle. Les projets traitent des effets symptomatiques tandis que la cause du mal est le sous-développement chronique de Madagascar. Si le pays était riche (mais, on nous assure qu’il l’est de multiples et incommensurables potentialités), si tout le monde avait un travail à ses besoins, faire la pute deviendrait moins rentable. Et plus personne ne remarquerait le plus vieux métier du monde rendu aux vraies passionnées du métier pour le pied-à-terre du marin.