Qui fait l’ange, fait la bête

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Source: http://www.lobservateur.ma/

Qui fait l’ange, fait la bête
Vincent Hervouet Le : 2010-02-15

Rencontre à Paris avec Andry Rajoelina. Cela fait déjà une semaine qu’il a quitté Madagascar et qu’il s’attarde en France. On le surnommait TGV, au vu de sa carrière éclair en politique. Aujourd’hui, il semble en panne. En vérité, il fait escale. Son agenda est vide. Il tue le temps en attendant un hypothétique rendez-vous à Tripoli. Il faut croire qu’il attend beaucoup de M. Kadhafi qui se présente volontiers comme son parrain. Mais l’agenda du Guide est aussi incertain que les négociations entre les frères ennemis malgaches. Le rendez-vous, péniblement arraché le matin, est annulé le soir venu. Un an après avoir conquis le pouvoir à Antananarivo, Andry Rajoelina n'a pas l'intention de le rendre. On peut le comprendre : il n’a pas vraiment commencé à l’exercer. A Madagascar, le char de l’Etat n’est pas un TGV mais un tortillard. Les réformes promises dans la fièvre de l’émeute se sont perdues dans le marais politicien. Bien sûr, l’entourage d’Andry Rajoelina, fait de vieux briscards ou de courtisans d'état-major, l'appelle «Excellence». Les journalistes lui donnent du «Monsieur le Président»... On dirait que c’est pour rire. Dans l'intimité, tout le monde l'appelle Ange. Et ce diminutif lui va à merveille. Ange est si jeune, si beau, si doux qu'on a du mal à le prendre au tragique. Il est si poli qu'on oublie qu'il a commis un putsch. Son sourire désarme. Rien de commun avec les postures viriles d’un colonel mauritanien ou les colères subites d’un capitaine guinéen. Il ne faut pas s’y tromper. Le calme de cet Ange est celui d'un joueur de poker. Son obstination a torpillé tous les partages du pouvoir péniblement marchandés par le Groupe international de contact, les médiations de l'Union africaine ou de la Sadec, les recommandations des pays donateurs ou ceux de la Francophonie. Depuis un mois, il joue la montre. Il a dénoncé les accords d'Addis-Abeba qu'il venait de signer avec ses prédécesseurs. Dans la foulée, il a renvoyé le Premier ministre qu'on lui avait imposé. Et toujours en affichant un air de premier de classe, il a annoncé des élections générales pour le 20 mars. Il croyait prendre de court tous ses rivaux. Il s'est retrouvé isolé. Jean Ping qui préside la Commission de l'Union africaine et qui termine sa carrière en tentant de trouver une sortie de crise a posé sur la table une ultime proposition. Les frères ennemis malgaches ont jusqu'à la fin de la semaine pour l'accepter ou la refuser. C'est une sorte d'ultimatum.

Ange Ratjoel a du mal à s'y résigner. Comme tout homme providentiel, il croit à sa mission. Ceux qui ne l’aiment guère prétendent qu’il est prisonnier de son rôle et de son entourage. Lui plaide qu'il ne peut pas cohabiter avec trois anciens chefs d'Etat qui ont tous trois été renversés. Qu'il faut en revenir au peuple. Il jure que l’élection sera transparente. Et admet, seule concession, que le scrutin aura lieu à la saison sèche, d’ici la fin de l’année, la date étant décidée en commun. Il prétend organiser lui-même son contre-pouvoir. Qui fait l’ange, fait la bête. Ces maigres concessions n’ont pas suffit à l’Union africaine, réunie en sommet. Entrainés par l’Afrique australe, aiguillonnés par les Etats-Unis, les dirigeants du continent ont dénoncé dans des termes particulièrement sévères les changements de pouvoir non-constitutionnels. Ils ont mis en demeure «le régime illégal de Madagascar de mettre fin à ses tentatives d’imposer des solutions unilatérales». Ange Ratjoelina ne ressemble pas à Dadis Camarra mais la Grande île est à deux doigts de se voir imposer des sanctions. On comprend mieux qu’à cette heure de solitude, le Président de la Haute autorité de transition cherche à gagner Tripoli. Le colonel Kadhafi est une sorte de modèle dans l'art de se maintenir au pouvoir. Sauf que c’est un modèle un peu dépassé : l'Union africaine vient de lui infliger un camouflet en refusant dimanche de le reconduire à sa présidence.

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